1 juillet 2020

Sur le chemin des fraudeurs

Ce lundi 29 juin, j'avais envie de retrouver une région particulière. Baelen, Membach et ses environs.
J'ai habité dans ses environs de nombreuses années. Bien sûr, j'y suis retourné quelques fois mais un brin de nostalgie m'a encouragé à m'y rendre ce début de semaine.


J'étais accompagné d'un ami marcheur du lundi..


Nous nous étions donné rendez-vous pour un parcours de 10 km au départ de la maison communale de Baelen.

J'avais opté pour le parcours d'une promenade balisée qui allait nous emmener à la découverte de l'ancienne frontière belgo-prusienne.




Baelen est une commune francophone de Belgique située en Région wallonne dans la province de Liège. 
Le sud-est de la commune est couvert par la forêt Hertogenwald
qui occupe environ les deux tiers de la superficie du territoire. 
Des silex taillés découverts à Baelen rattachent son passé à l'époque néolithique (+/- 5000 ans) ! D'autres fouilles exécutées sur le tracé du T.G.V.  rappellent que leurs ancêtres étaient gallo-romains ! Silos de céréales, trous de poteaux, monnaies, fibule, tessons de poterie sont là pour le confirmer.
Cependant, la première mention écrite de Baelen, alors exploitation agricole carolingienne, figure dans une charte datée de 888, celle de Membach remonte à 1172 : assurément deux villages aux origines très anciennes qui ont fusionné en 1976.
Au cours de l'an mil, Limbourg prend corps sur le domaine de l'ancienne villa impériale de Baelen. Tantôt bourguignonne, espagnole, hollandaise, autrichienne, française, hollandaise et enfin belge, la proximité de la place forte limbourgeoise imposera, au cours des siècles, la coloration du vécu quotidien des aïeux des habitants actuels.
En 1178, le duc de Limbourg lègue à l'abbaye de Rolduc le droit de patronage sur l'église de Baelen, conférant aux abbés de cette institution (et jusqu'à la Révolution française) la nomination du clergé dans la paroisse primitive baelenoise qui, à cette époque, rassemblait les localités de Bilstain, Eupen, Goé, Henri-Chapelle, Hèvremont, Limbourg, Membach et Welkenraedt. Au cours de siècles, cette paroisse subit des démembrements successifs selon la croissance des communautés et leur quête d'autonomie.

Baelen était aussi le centre administratif d'un chef ban qui cernait un territoire rassemblant, à l'origine de sa création, les mêmes localités que celles citées plus haut. Ceci tendrait à dire que les limites paroissiales et celles du fisc carolingien devaient être identiques.
Siège d'une cour scabinale, les échevins de Baelen rendaient la justice au nom du duc de Limbourg ; cette juridiction s'étendait aux affaires civiles et pénales.
Dès 1648, le village de Baelen est érigé en seigneurie hautaine par le roi d'Espagne et le restera jusqu'à la Révolution française.
Après la défaite des armées françaises en 1815 à Waterloo, Baelen et Membach, comme le reste du pays d'ailleurs, passent sous la domination hollandaise et deviendront, jusqu'en 1920, deux villages frontaliers avec la Prusse.
Puis vient 1830 et l'indépendance de la Belgique.
Depuis lors, nos deux villages font partie du Canton de Limbourg et de l'Arrondissement de Verviers en Province de Liège, limités par les communes d'Eupen, Limbourg, Welkenraedt et Lontzen.



Nous quittons le parking de la maison communale et descendons la Rue de la Régence vers l'église en face de nous.





Je vous parlerai de cette église au clocher spécial plus loin dans cet article.

En face de la maison communale, nous découvrons la nouvelle place dénommée "Espace des Rencontres".

Nous quittons la rue de la Régence et prenons sur la droite pour passer derrière la place.

A hauteur de la boulangerie, nous bifurquons sur la gauche et entamons la rue du Thier. A partir de cet endroit, nous allons suivre le balisage "rectangle bleu sur fond blanc".


Au premier croisement de chemins, nous continuons vers la gauche en empruntant la rue Saint-Paul qui a hauteur d'une ferme va devenir un chemin campagnard.



La pluie étant présente quelques heures avant, nous avons rencontré quelques beaux spécimens d'escargots.


Ce chemin campagnard est assez long et il nous amène aux abords du zoning industriel d'Eupen.





Nous arrivons aux abord du zoning et découvrons une borne artisanale remplaçant la borne initiale qui a disparue.




Signé en juin 1816, le Traité d’Aix-la-Chapelle détermine les limites frontalières entre la Prusse et les Pays-Bas (la Belgique dès 1830). Cette démarcation nouvelle se concrétise par l’implantation de bornes qui, à cette époque, sont des poteaux en bois, peints aux couleurs noir et blanc, côté prussien, orange et blanc, côté hollandais (puis belge). Ils seront remplacés par des bornes en pierre numérotées, octogonales ou carrées, qui, pour la plupart, existent encore aujourd’hui.
Cette frontière limite les communes de Baelen et de Membach avec celles d’Eupen et de Kettenis.


A cet endroit, nous ne trouvons pas de balisage mais nous savons que nous devons tourner à droite et prendre la direction du couvent du Garnstock.



Nous passons sur le côté de ce couvent. Ensuite nous prenons à droite vers la grand route Baelen-Eupen que nous allons franchir avec prudence.
La traversée étant faite, je prends en photo le couvent.





En 1909, des religieux allemands et autrichiens s’installent au Garnstock. Ils louent d’abord une maison située vis-à-vis du couvent actuel et y aménagent une chapelle. En 1913, est décidée la construction du couvent actuel et d’une chapelle plus spacieuse. Mais les vicissitudes de la guerre 14-18 font qu’ils sont mobilisés par leurs pays respectifs et ne reviendront plus à Baelen. Les bâtiments resteront inoccupés plusieurs années jusqu’au jour où des Pères Franciscains font l’acquisition du couvent et de ses dépendances. Ils entament une campagne de construction qui s’achève par l’édification de l’église actuelle dont les murs extérieurs sont construits en marbre de Baelen. Les bâtiments appartiennent aujourd’hui à la Fondation Saint-François d’Assise. 


Nous prenons la direction  de  Röreken. Nous passons devant les bornes 182 et continuons jusqu’aux bornes 181. 





A cet endroit, nous prenons à gauche et descendons le chemin des Fraudeurs.
Celui-ci porte
le nom de Chemin des Fraudeurs en mémoire de ces hommes venus d’Eupen qui pratiquaient la fraude au nez et à la barbe des douaniers prussiens chargés de surveiller la frontière. Au risque de leur vie, ils tentaient de la repasser, besaces et sacs remplis de victuailles destinées au marché noir ou, dans certains cas, réservées à la consommation familiale.

Nous arrivons à hauteur  de la borne 180 au bord de la route Membach-Eupen.


Nous traversons cette route et continuons le chemin pour y retrouver une autre borne numérotée 179.


A hauteur de celle-ci nous bifurquons sur la droite et enjambons le ruisseau dit Statgraben. 


 Nous découvrons une légère montée qui aboutit à la croix Jakob Hennen.






Février 1918. Jakob Hennen accompagne une bande de fraudeurs venus d’Eupen qui opèrent sur le territoire baelenois. Les sacs remplis de vivres, ils tentent de repasser la frontière à l’endroit dénommé Loussack à Membach. Surpris par une patrouille allemande, Hennen ne répond pas aux sommations des douaniers qui ouvrent le feu et le blessent mortellement. Aujourd’hui encore s’élève à proximité du lieu du drame, une croix qui rappelle ce fait divers tragique qui a fait grand bruit parmi la population locale. 

Au sommet de cette côte nous tournons à droite et longeons  la ferme du Loussac.


Nous continuons cette direction jusqu’à un carrefour de chemins puis prenons celui à droite qui longe le cimetière de Membach et atteint l’entrée du village.


Nous apercevons au loin l'église Membach mais nous n'y passerons pas.



A l'entrée du village, nous prenons légèrement à droite et passons devant les bâtiments de l’ancienne cour foncière de Cortenbach dont la partie centrale est occupée par la Maison de Repos.







Dénommée de la sorte vers 1600 lorsque la seigneurie de Membach passe à la famille de Cortenbach. L’ensemble du bâtiment subit de nombreuses transformations au cours des siècles. Au XIXème en particulier lorsque les Sœurs Récollectines s’y installent et modifient complètement le bâtiment central (l’actuelle Maison de repos). Transformée elle aussi, la façade de l’aile gauche de quatre travées sur deux niveaux, semble dater du XVIIIe siècle.
Quant à l’aile droite dont le cachet est plus ancien, elle est partagée en deux parties bien distinctes. Il s’agit d’un bâtiment de deux niveaux composés de sept travées. La partie située à gauche comporte trois travées en moellons de grès. Le percement d’une porte a fait disparaître une fenêtre géminée. La partie de droite propose quatre travées en moellons de calcaire. Les seuils et les linteaux des baies de fenêtres sont prolongés, formant des bandeaux continus sur toute la largeur de la façade. Deux piliers carrés délimitent l’entrée de la propriété. L’un présente l’inscription Cortenbach, l’autre Lindenhof.

Nous empruntons quelque peu à droite la rue Stendrich pour virer assez rapidement à gauche la côte qui conduit à la chapelle de Gisberg. 


Construite en 1890, la chapelle du Gisberg est dédiée à Notre-Dame des Sept Douleurs. Encastrée dans le mur extérieur, une pierre commémorative rappelle la restauration de 1998. L’artiste baelenois, Peter Hodiamont, l’a dotée d’un retable en faïence vernissée et de deux vitraux colorés. 

A la chapelle, nous prenons directement à gauche le chemin qui débouche dans le bas du hameau d’ Overoth. 

Nous découvrons au bas d'une prairie, les restes d'un tronc d'arbre. On pourrait croire qu'on y a sculpté un visage.

 
Nous prenons encore à gauche pour entamer la traversée de ce hameau jusqu’à la route nationale Baelen-Eupen.


Le début de la guerre de 14-18 fut dramatique pour Overoth qui paya un très lourd tribut lors de l’invasion allemande : pillage, incendie, massacres … Le 8 août 1914, les fermes Pauquet, Janclaes (Pierre-Joseph) et Meessen-Thissen flambaient.
8 victimes furent massacrées ou fusillées ou brûlées vives.  

Nous traversons la grand route, bifurquons sur la gauche et virons très vite sur le chemin de droite.
A la bifurcation de deux sentiers, nous choisissons celui de gauche dénommé "Au Congo".
Ce sentier va nous emmener au centre de Baelen.
Nous passons devant la Croix du chemin d' Overoth.


Une massive croix de pierre présente un Christ accompagné des dates 1567 et 1608 qui correspondent aux années du pastorat du curé Waleran Cloker. Elle rappellerait cette période durant laquelle le curé de Baelen, acquis au protestantisme, mena une vie privée assez singulière au grand dam de ses paroissiens qui boudèrent son ministère. Au décès de ce curé, sans doute voulurent-ils ériger cette croix en guise d'expiation ? .

Nous retrouvons la route au bout de ce sentier.
Nous continuons tout droit sur la rue des Millepertuis. Nous restons sur la droite puis prenons le sentier sur la gauche le long de l'église.
Nous arrivons Rue de l’église et prenons à gauche pour admirer celle-ci.



Datant de la première moitié du  XVI siècle,  l'église possède l'un des onze clochers tors  recensés en Belgique. Le clocher tourne de 1/8e de tour de droite à gauche. L'origine de la torsion est controversée.

Un clocher tors ou clocher flammé est un clocher dont la flèche est  spiralée,souvent couverte d'ardoise.

Le vaisseau de cette église a été construit en style gothique dans la première moitié du 15e siècle en remplacement d'un édifice médiéval détruit. Il comporte trois nefs de cinq travées avec des contreforts extérieurs à chaque travée.

L'imposant tour carrée édifiée en grands moellons de calcaire, de style roman pourrait dater du 12e siècle mais a été rénovée au 15e siècle puis en 1773 comme indiqué sur une pierre de l'édifice.

Le portail d'entrée datant de 1911 est surmonté d'un arc brisé et d'un oculus à quatre-feuilles. Une tourelle circulaire se dresse contre le côté sud de la tour jusqu'à mi-hauteur et un chevet à pans coupés est adjoint au côté nord.

Il ne nous reste plus qu'à remonter la rue de la Régence jusqu'à notre point de départ.

Nous avons apprécié ce parcours.

Toutes les photos, retrouvez-les ici.

A bientôt pour une nouvelle découverte.

 

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